28/09/2010

Balais (Éric Lafalaise, 2010)

Ma grand-mère était gracieuse. Chaque matin de mes vacances, elle me réveillait en caressant mon visage.

Sa peau, rauque et ridée, grattait brièvement mon épiderme et j'ouvrais lentement les yeux, les sons de cloches de la grande église et le brouhaha des marchands se dirigeant vers le marché au loin.

Il est vrai que je détestais alors la province, si loin de ma vie protégée à Port-au-Prince, sans mes affaires, mes amis et mon confort. Je ne le réalisais pas à l'époque mais le village simplifiait une simple existence.

Ma grand-mère me traînait, mon repas terminé, vers la cour extérieure et je la regardais tisser, d'une main ferme et contrôlée, des pailles autour d'un long bâton en bois. De temps à autre, elle se retournait vers moi pour me sourire et j'oubliais ma lointaine vie citadine.

A sa mort, après l’enterrement, entrant dans la cour vêtu de mes meilleurs habits, humides et collants de sueur et de poussière, j'apercevais un agglutinement de balais amarrés d'une mince corde en paille, les dernières créations de ma grand-mère et je réalisais á cet instant qu'elle n'était plus ici. Je ne la reverrai plus; elle ne me réveillera pas le matin en caressant mon visage de ses mains douces et chaudes; je ne la regarderais plus tisser ces balais, avec art, avec aise, émerveillé par sa dextérité.

Le voisin passa récupérer les balais et lorsqu'ils disparurent de ma vue, seuls vestiges de ma grand-mère, je ne pouvais plus retenir les larmes.

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